FRONTIERE VILLE-PORT

 

 A Saint-Nazaire, la frontière entre la Ville et le Port n’a pas d’existence matérielle, pourtant elle est sensible et vécue par tous, usagers du Port et citadins.
Elle constitue même, aux yeux de la municipalité, un obstacle à abattre pour parvenir à mieux aménager l’espace urbain.
La ville devrait donc, d’ici quelques années, reconquérir l’espace portuaire auquel elle tourne le dos depuis la Seconde Guerre Mondiale.
Déjà, la reconquête est bien engagée, le front est percé en plusieurs endroits...
Des hommes casqués, chevauchant de terribles engins de guerre jaunes, tentent d’annihiler les dernières poches de résistances dans un bruit infernal.
On a finalement renoncé (peut-être les pertes auraient-elles été trop importantes) à faire sauter la principale place-forte en béton armé. Les stratèges municipaux ont d’ailleurs réussi (c’est du moins ce qu’affirme le service de presse des Armées) à faire de cet obstacle  un instrument majeur de la reconquête, un Cheval de Troie urbain.

Mon projet artistique, consiste à profiter de ces événements pour réaliser in situ une installation prolongeant mes recherches plastiques sur les frontières. J’ai donc décidé d’installer une frontière entre la Ville et le Port, en face de la Base sous-marine...
Elle est constituée d’une ligne discontinue composée de bandes blanches de 0,2 mètre sur 2 mètres, peintes directement sur le sol et espacées entre-elles de 1 mètre.
Il s’agit d’une frontière éphémère et symbolique qui sera détruite, ou effacée, au fur et à mesure de l’avancée des travaux de reconquête de l’espace portuaire.

L’objectif est donc à la fois artistique et politique (au sens premier et noble du terme), puisque (sans se limiter à l’aspect esthétique) cette frontière a l’ambition, à la fois de faire saisir l’existence actuelle de deux espaces juxtaposés, caractérisés par une forte différenciation, mais aussi de montrer que le pouvoir politique (et c’est une de ses fonctions essentielles) peut  construire de nouveaux espaces, et  faire évoluer leur appréhension par les citadins.
L’installation restera  en place jusqu'à sa destruction totale par les éléments naturels ou par l’avancée des travaux.

 De plus, je photographierai régulièrement la frontière pour garder une trace de l’avancée du front, faisant ainsi œuvre de mémoire. Cela me permettra, par la suite, de réaliser un véritable Journal de guerre...

  

Teodoro GILABERT
GEOGRAPHE  PLASTICIEN

AOUT 1998

Sommaire